Je ne savais quel titre donner à ma synthèse des récents événements et déclarations à l’emporte pièce survenus autour de l’éducation au Québec depuis un peu plus d’une semaine…
Ça jase ferme depuis ce temps dans les blogues de profs, et ailleurs aussi.
D’abord il y eut l’entrevue. La version avec montage (21 mn) d’abord, suivie de la version intégrale (62 mn), mise en ligne par Téléquébec à la suite des accusations que la ministre a portées comme étant mal citée ou que l’entrevue ait été mal montée… Montée ou pas, l’entrevue laisse voir gros comme le bras des énormités, autant d’un côté que de l’autre. C’est une entrevue-spectacle, faite comme telle selon le format voulu pour l’émission. Ce fait est connu de tous ceux qui sont le moindrement avisés, la ministre incluse, j’ose espérer.
Mario a ensuite écrit une lettre à la ministre. Deux mises-à-jour (ou mise-à-jours ;-)) figurent au bas de son message, ainsi que plusieurs des billets auxquels je ferai implicitement référence ici…
Depuis cette fameuse entrevue, on a cassé du sucre à qui mieux mieux sur le dos de la ministre. Je l’ai accusée, dans un commentaire chez Diane Delisle, d’être une girouette. J’en avais le droit, supposément, puisque nous n’étions pas au parle+ment…
On a aussi dénoncé le manque de rigueur de Patrick Lagacé, mais qui peut vraiment lui en vouloir à 100%, compte tenu du format voulu pour l’émission-show. D’autres ont parlé d’un Lagacé en super-forme qui a poussé la ministre dans les cables et qui s’est rué dessus une fois qu’elle fut par terre complètement.
Qui a raison, qui a tort ? Je ne suis pas sûr de vraiment vouloir le savoir. Je crois la ministre plus intelligente que cela, elle n’est pas (complètement) une nounoune qui a pu tomber dans un piège gros «comme ÇA». Il ne faut pas oublier qu’elle fait partie d’un gouvernement minoritaire en quête d’une éventuelle majorité, si faire se peut aux prochaines élections qui peuvent survenir à peu près n’importe quand, en théorie. Et comme tout bon(?) politicien dans une telle situation, on «guidoune» parfois à gauche et à droite (sans jeu de mot?), à la façon d’une girouette qui va là où le vent la pousse, en présupposant que ce vent amène obligatoirement des votes, bien sûr ! Là est la finalité : le nombre de votes aux prochaines élections.
C’est l’ABC du m-a-r-k-e-keting-ting du politicien à courte vue, ce qui représente hélas la très grande majorité de nos politiciens, point.
Ceci dit, la vie continue dans les écoles. Il se donne encore des dictées occasionnelles, n’en déplaise aux Jean Charest mal informés de ce monde qui pensent encore que la réforme a tout aboli sur son passage. Mais il ne faut jamais oublier non plus que la dictée est loin d’être une panacée, contrairement à la croyance populaire à laquelle font références les populistes…
Et c’est ici que, dans ce texte de Michel LeNeuf,la citation de Claude Lessard est un des éléments qui me rejoint le plus : «[…] il n’y a pas de honte à créer des modèles hybrides, à moins d’être des théologiens d’une approche ou d’une autre.»
Il est là, le problème, à mon avis. Chacun des protagonistes dans ce gros dossier a érigé SON modèle en vérité absolue. Le passé, c’est bon pour les vidanges. Détruisons tout et créons du nouveau. Ou au contraire, le passé, c’était tout; rien n’est bon dans le nouveau : revenons en arrière avec les bons vieux modèles absolus… Bref, vous voyez le genre !
Et si la vérité, ou plutôt l’idéal, était entre les deux ?
Le noir et le blanc, c’est beau sur (du) papier. La vraie vie est faite de millions ou même de milliards de couleurs. Même pas juste des tons de gris…
Quelque soit le ministère, je trouve étonnant que l’on nomme des députés comme ministres et qu’il existe un jeu de chaises musicales à chaque remaniement ministériel. Ce n’est pas vrai que l’on peut être maître de tous les dossiers d’un ministère donné du jour au lendemain. Ce n’est pas vrai qu’on acquiert une certaine expertise dans un domaine en gagnant ses élections. Madame Courchesne a une opinion de parents influencée par l’avis de ses électeurs. Pourquoi n’est-elle pas d’accord avec ceci ou cela ? On ne le sait pas. Et probablement qu’elle ne le sait pas non plus, c’est une impression qu’elle a. Incompétence ? Je ne crois pas. En tout cas, pas plus que moi quand je pose mon plancher ou quand je fais un gâteau. Elle fait de son mieux. Elle est à la tête de l’éducation au Québec, mais elle n’a ni expérience ni expertise en éducation outre celles de ses fonctionnaires têtus. Et il en est de même dans la majorité des ministères… c’est peut-être pour cela que le pouvoir, ils ne connaissent pas…
Le pouvoir, connaisent pas ? Pas sûr… Ils essaient d’y rester le plus longtemps possible, ça c’est sûr. Pour cela, faut convaincre, quitte à utiliser des images qui trafiquent un peu la réalité ou n’en révèlent qu’une petite partie, celle qui parait le plus. C’est le règne de l’image, du “paraître”. On écorche à l’occasion, quitte à ramasser quelques pots cassés à quelques endroits, en autant que le bilan final est positif quant au nombre de votes.
Pour ce qui est des fonctionnaires du MELS, il y en a sûrement qui correspondent aux clichés véhiculés, mais il y en a sûrement d’autres qui n’y correspondent pas. Je dis cela peut-être aussi parce que j’en connais quelques-uns (pas beaucoup…)
Et la réforme, on l’a adoptée, oui, mais sur le plancher des vaches, là où nous travaillons, on l’implante selon ce que l’on en comprend, selon ses grands principes. Le reste est affaire de pratique et d’autonomie professionnelle comme il en a toujours été, n’en déplaise à M. Inchauspé qui nous a traités de techniciens un peu plus tôt. Des professionnels avec une carte à punch appelée par euphémisme néologique TCO-TNP-ETC, mais professionnels quand même, même si plus ou moins reconnus comme tels…
LE gros problème, à mon humble avis, c’est le peu de formation (et les formations plus ou moins bidons) qu’on nous a servies en catastrophe à minuit moins une pour commencer cette réforme. Vite, ça presse, mais on ne sait pas trop pourquoi. Je ne sais qui a dit la semaine passée que quand on parachute par le haut, ça a moins de chance d’être accepté. C’est évident, mais personne ne semble y avoir pensé réellement dans tout ce processus…
Bonjour Sylvain
Je cherche à mieux comprendre : n’y a t-il pas un paradoxe à mettre en avant son autonomie et ses compétences professionnelles tout en reprochant le manque et la pertinence des formations…pour finir par penser que tout compte fait, ce qui est imposé a bien peu de chance d’être adopté !
J’ai le sentiment que Monsieur Inchauspé regrettait d’une certaine façon que trop d’ enseignants n’aient pas assez saisi l’occasion qui leur était offerte de s’approprier ce champs d’autonomie (le problème de son discours c’est qu’il a généralisé de manière abusive)…Les manques de formation que tu évoques ne relèvent-ils pas avant tout d’une démarche active et collaborative de la part des enseignants ?
Ce ne sont que des questions et des pistes de réflexion ! Comme je te l’ai dit je cherche à mieux comprendre ! 🙂
Moi aussi, j’aime beaucoup l’approche par la voie moyenne et les mille et une couleurs ! 🙂
Merci Florence de mettre en lumière le paradoxe : sur le coup, et avec un peu d’émotion dans le clavier (dans la voix dit-on normalement!), je n’y avais pas songé.
Ce que je veux faire ressortir ici, ce sont ceux qui, comme moi, ont recueilli plus de formation en fréquentant plusieurs blogues et autres lieux du web que dans les formations officielles. Les formations officielles, celles venues d’«en-haut» (Les CS), ont souvent été plus ou moins réussies, c’est un fait. En ce sens, ceux qui ont décidé de se former eux-mêmes ont, humblement, fait preuve de professionnalisme, à mon (humble) avis. Et ce même si ces “formations” ne sont pas reconnues officiellement par nos supérieurs !!!
Il y a aussi une autre variable dont je n’ai pas parlé, mais qui peut peut-être expliquer une partie du problème : la culture (ou sous-culture) à laquelle les profs en général ont été habitués, mais à laquelle plusieurs n’ont jamais complètement adhéré : le pouvoir prescriptif d’un programme, d’un ministère, d’une directive «x» ou autre… ce qui fait que certains enseignants, pas tous, mais plusieurs, attendent qu’on leur donne une directive, une formation qui dira comment faire ou quoi faire, etc.
Peut-être que l’un et l’autre réunis expliquent une partie du paradoxe évoqué auparavant…
Pour ce qui est de la collaboration, disons simplement ici que plusieurs enseignants sont encore jaloux de tout ce qu’ils font et le gardent en vase clos. Culture de compétition parfois encouragée par certaines directions, mise en compétitions d’enseignants précaires pour avoir certains postes, etc. Rien ici qui ne favorise sainement la collaboration, mais qui encourage plus ou moins implicitement les discours de coulisses ou les jambettes virtuelles : j’en ai déjà vécues, alors ici je sais de quoi je parle ;-/
Merci pour ces explications sylvain ! 🙂
Je crois que ce paradoxe est très révélateur de l’entre-deux que certains d’entre-vous vivent…ce moment si particulier et assez dérangeant que l’on retrouve de manière plus ou moins marquée dans les processus de changement !
Et le fait que tu arrives à prendre du recul et à mettre des mots sur ce que tu vis est plutôt bon signe, me semble-t-il ! 🙂
Cela n’enlève rien à la difficulté de la tâche…certes ! Mais après tout c’est aussi ce qui fait l’intérêt du projet ! 🙂
Merci pour ces explications sylvain ! 🙂
Je crois que ce paradoxe est très révélateur de l’entre-deux que certains d’entre-vous vivent…ce moment si particulier et assez dérangeant que l’on retrouve de manière plus ou moins marquée dans les processus de changement !
Et le fait que tu arrives à prendre du recul et à mettre des mots sur ce que tu vis est plutôt bon signe, me semble-t-il ! 🙂
Cela n’enlève rien à la difficulté de la tâche…certes ! Mais après tout c’est aussi ce qui fait l’intérêt du projet ! 🙂
C’est toujours plaisant d’avoir un éclairage distant qui met (ou re-met) en lumière les nombreuses couleurs qui composent la réalité. Un recul de quelques milliers de km est parfois très utile ! Merci ! Sur ce, au boulot 🙂