Voici un résumé de la conférence de Marc Prensky qu’il a prononcée à Clair2010 fin janvier dernier.
Ce texte a d’abord été rédigé pour l’Infobourg, à la demande de Martine Rioux, par David Martel et moi.
Suivra une réflexion de ma part, que j’ajoute ici au texte original. Bonne lecture 🙂
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C’est dans le cadre de la non-conférence (ou BarCamp) Clair 2010 : Pour voir l’éducation autrement – qui se déroulait les 28, 29 et 30 janvier 2010 – que près de 200 intervenants du monde de l’éducation ont pu entendre Marc Prensky, l’homme qui a inventé et popularisé les termes digital native (natif du numérique) et digital immigrant (immigrant du numérique).
Présenté par Mario Asselin, c’est avec une conférence ayant intitulée Engagez Moi ou Enragez Moi (Plus ça change plus c’est différent) que Prensky a énoncé ses idées pendant plus d’une heure trente à une foule plus qu’attentive. Il a d’abord exposé ses idées pour ensuite interagir avec six jeunes du C@HM (Centre d’Apprentissages du Haut-Madawaska), là où se déroulait Clair2010. Voici donc l’essentiel des propos de Marc Prensky, recueillis et “gazouillés” par Sylvain Bérubé et David Martel.
M. Prensky, dans un français impeccable, a d’abord parlé des changements technologiques qui se produisent à un rythme particulièrement rapide et dont on n’a aucune idée de jusqu’où ils peuvent nous mener. À vrai dire, les technologies changent et évoluent tellement rapidement que, pendant leur vie, les jeunes verront les technologies devenir 1 000 000 000 000 (1000 milliards) fois plus puissantes !
De leur côté, les jeunes suivent, mais les enseignants peinent à se tenir à jour. Ils doivent donc accepter d’apprendre en même temps que ces natifs, où même apprendre d’eux, plutôt que de sombrer dans une espèce de peur, même si celle-ci est normale au départ. En effet, devant ce changement, la plupart des gens vont vers l’avenir en regardant vers l’arrière, vers ce passé sécurisant auquel on peut être fortement tenté de s’accrocher. Ce “pied dans le passé” que conserve souvent l’immigrant du numérique lui confère un accent lorsqu’il intervient auprès des natifs.
En fait, il en a toujours été ainsi. L’homo sapiens a toujours développé des outils dont on ne peut plus se passer. L’ordinateur portable actuel peut parfois devenir chez certains une sorte de prolongement du cerveau. On combine cerveau et machines dans un mélange sans cesse renouvelé où on combine ce que fait bien le cerveau et ce que font bien les machines: Prensky appelle cela la sagesse “digitale” (numérique).
Pour illustrer le renouvellement des technologies, Prensky utilise les notions de verbes et de noms. Les premiers représentent les actions effectuées par un individu (communiquer, collaborer, écrire, etc.) alors que les seconds désignent les moyens utilisés pour y parvenir (lettre, courriel, télécopie, etc.). Les verbes sont à la base de l’instruction, mais les outils changent. Les jeunes devraient utiliser les noms les plus à jour pour apprendre. Par exemple, l’action de communiquer avec quelqu’un (le verbe) est restée la même, alors que les noms se sont succédé au fil du temps (le télégramme, la télécopie, le courriel, le SMS, etc.) Et en 2010, ce sont vers ces nouveaux noms que nous devons nous tourner. On apprend, on communique, mais avec de nouveaux moyens sans cesse en évolution.
Prensky mentionne qu’étant donné que les noms changent trop rapidement, il ne faut pas surinvestir dans un outil, car le changement est devenu trop rapide. Aujourd’hui, nous avons Twitter; demain nous aurons autre chose. Il faut donc demeurer très flexible afin de s’adapter aux changements et aux nouveaux noms. Cette réflexion s’est poursuivie lors d’un atelier le lendemain: on ne doit pas resté collé sur le T des TIC, mais se rendre jusqu’au C de la Communication ou, comme quelqu’un d’autre l’a souligné, jusqu’au A des Apprentissages.
Un autre élément primordial, selon Prensky, est la programmation que doivent apprendre les jeunes. Ils doivent programmer s’ils veulent créer, car créer dans un futur proche supposera une maitrise d’une forme de programmation ou l’autre. Le chercheur fait un parallèle intéressant en disant que les programmeurs d’aujourd’hui sont en quelque sorte les scribes d’autrefois. Il pose également quelques questions portant à réflexion: ne devrions-nous pas leur apprendre comment programmer pour créer? Faut-il encore apprendre l’écriture manuscrite? Faut-il former les jeunes pour demain ou affronter nos peurs afin de les former pour le reste de leur vie?
La peur du départ doit donc se transformer. Après tout, nous sommes face à des outils, des moyens, mais il nous faut les maitriser, apprendre à s’en servir, etc. Et apprendre, réaliser, communiquer, etc. Il y a 4 stades d’apprentissage des technologies:
1 – cacher ou nier;
2 – paniquer ou avoir peur;
3 – accepter;
4 – être confortable;
mais, selon Prensky, il faut aller plus loin:
5 – puissance !
Voilà comment Prensky finissait son allocution avant d’échanger avec six jeunes qui ont bravé les conditions météorologiques afin d’être quand même présents à cette journée pour montrer comment ils se servent de la technologie, non comme une fin, mais comme un moyen, un outil.
Il est aussi à noter que Mario Asselin et Roberto Gauvin ont pu s’entretenir avec Marc Prensky, l’avant-midi suivant sa conférence. Mario en donne un compte rendu ici.
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Personnellement, j’avais hâte d’entendre ce Marc Prensky dont j’avais souvent entendu parler.
En fait, malgré l’aspect de prime abord assez emballant de sa découverte principale (digital native vs immigrants), j’avoue que je demeurais quand même sur mes gardes concernant cette transformation du cerveau qui se produirait chez les jeunes et dont on n’a aucune preuve scientifique à ce jour.
Ici, j’avoue que Prensky a éludé un peu ce côté transformation du cerveau de son discours. L’homme est donc capable de revenir sur ses dires et de faire les nuances qui s’imposent: j’aime.
Pour le reste, il assiste comme nous à des transformations majeures et il pose de bonnes questions qui font réfléchir.
Avec un sens de la phrase-choc (sinon de l’image – ci-dessous), Prensky nous amène à observer certains faits comme l’accélération des développements technologiques: les outils, les MOYENS, qui servent à accomplir des ACTIONS (les verbes) qui existent depuis que l’humain existe…
Un changement d’une telle ampleur suscite bien entendu un grand sentiment d’insécurité, surtout chez les personnes qui s’adaptent moins rapidement, ou qui veulent être sûres de tout avant d’agir. Sauf qu’à la vitesse où les technologies évoluent, il nous faut, je pense, développer une certaine tolérance au Work in progress, ou, si l’on veut, développer une formidable capacité à réfléchir DANS l’action, ou encore, une capacité à rétroagir constamment, tout en avançant. Facile à dire…
Ce changement de paradigme est assez substanciel en soi et il suscite plusieurs tensions palpables aussitôt que l’on regroupe des gens d’une même institution ou autres. À mon avis, cette déstabilisation doit être pédagogique pour tous, en ce sens qu’on doit développer encore de plus en plus nos apprentissages au fur et à mesure de notre évolution dans cette sphère, qu’elle soit blogo, twitto ou autre 😉 ! Il nous faut apprendre… à apprendre dans un tel environnement.
La déstabilisation est un excellent moyen d’apprendre ! Quel prof n’a pas déjà déstabilisé sciemment ses élèves dans le but de susciter un questionnement et, de là, des apprentissages plus “sûrs” ?! Sauf qu’en vieillissant, l’être humain a souvent de plus en plus peur de la déstabilisation. Et pourtant ! Quoi de plus “équilibré”, qu’un funambule en apparence instable sur un fil de fer, qui oscille constamment d’un côté et de l’autre pour justement garder son équilibre: l’équilibre est donc quelque chose de vivant, et non statique ! Ces constants aller-retours gauche-droite du funambule illustrent bien ce que j’appelais ci-dessus la rétroaction constante avec laquelle on doit composer, ce work in progress constant. Le changement est la seule chose qui est stable, disait l’autre que je paraphrase un peu ici 😉 !
Quant à l’aspect développement de la programmation chez les jeunes qu’a abordé Prensky en fin de conférence, c’était pour moi l’élément de surprise de la conférence, puisque j’avais déjà entendu parler du reste plus ou moins en détail.
Et je me dis que c’est pas bête du tout: les jeunes, s’ils veulent “contrôler” ou maitriser ce nouvel environnement sans cesse changeant, doivent en apprendre les méandres, les points de contrôlabilité. Le programmeur agit sur son environnement technologique. Le simple utilisateur dépend des programmeurs… Et j’ajouterais qu’il y a plusieurs niveaux de programmation ! En plus !
Ma réflexion se poursuit…
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