NOTE : cet article était supposé paraitre ici, mais étant sans nouvelles de l’organisme en question depuis avant la date de tombée de ce billet, je le publie ici en attendant, puisque d’actualité présentement.
Avec le temps des sessions d’examens et autres évaluations qui arrivent invariablement dans les écoles en juin, je me mets à me questionner de plus en plus fortement chaque année sur la pertinence de ces évaluations, de ces examens, de la forme qu’ils ont actuellement… Que veut-on évaluer au juste ? Que veut-on mesurer chez nos élèves ? Pourquoi tenons-nous parfois mordicus à ce que ces modes d’évaluation ne bougent pas, malgré les réserves de plus en plus grandes qu’on peut avoir, pédagogiquement parlant ?
Chaque fois que j’écoute un jeu questionnaire à la télé, je m’amuse très souvent à tenter de répondre plus vite que les concurrents, question de « paraître » intelligent. En fait, ce genre de questionnaire pour petits chiens savants (parfois très savants, il est vrai) n’évalue que la mémoire d’un individu. La mémoire, ce n’est qu’une forme d’intelligence ou, autrement dit, l’intelligence, c’est beaucoup plus qu’une simple mémoire, puisque la mémoire seule ne permet pas grand chose. Elle est très utile, certes, mais combinée à la capacité de faire des liens, de mettre en route d’autres « tiroirs » du cerveau, elle devient un outil beaucoup plus important, voire prodigieux, mais surtout pas exclusif.
Or, trop souvent, les évaluations dans les écoles ont ressemblé à ces questions de jeux télévisés, visant à mesurer qui possède la meilleure mémoire sans égard à la mise en fonction des autres capacités intellectuelles des individus, comme l’analyse, l’imagination, la créativité, la réflexion, le jugement critique, etc.
Bien sûr, il fut un temps où une certaine réforme pédagogique a tenté de réunir ces connaissances (mémorisées ou pas) afin de les mettre en action dans ce qu’on a appelé des compétences. Enfin, pouvait-on dire, on voulait former des élèves compétents, qui font appel à plusieurs dimensions de l’intelligence. Malheureusement, après moult erreurs dans la façon de communiquer, même aux enseignants, cette réforme, après les tergiversations sur la façon de transmettre les résultats, après un retour à un bulletin dit chiffré qui n’a satisfait personne, pas plus les profs que les parents au bout du compte, après tout ça, donc, nous revoici presque à la case départ.
Je parle ici de la case départ du début de la mise en place de quelque chose qui corresponde le plus possible au 21e siècle. Les évaluations, ministérielles (et les autres évaluations qui y préparent, pendant les autres années scolaires où le MELS n’évalue pas directement) se font papier-crayon (je n’ai rien contre, mais elles deviendront de plus en plus difficilement applicables). On voit de plus en plus d’écoles, surtout privées pour l’instant, s’équiper de différentes technologies, iPad ou autres, qui amènent obligatoirement une refonte de la pédagogie. On ne peut pas enseigner de la même façon avec ces objets (de plus en plus quotidiens, hors école) si on veut vraiment les intégrer aux apprentissages et à la pédagogie. Si on veut que ces outils servent aux apprentissages, on ne pourra longtemps encore les dissocier des évaluations proprement dites. En effet, comment évaluer des apprentissages d’une façon totalement différente de la façon avec laquelle ces apprentissages auront été faits ? Personnellement, cela me pose énormément question. Je ne prétends pas avoir les réponses, mais il faut se questionner au départ.
Prenons un exemple concret, une production écrite. Avec l’intégration des technologies, les élèves, pour leurs travaux, rédigent de plus en plus avec des tablettes, ordinateurs ou autres appareils mobiles. Lorsqu’arrive les évaluations, la production écrite par exemple, la démarche change du tout au tout : écriture manuscrite, dictionnaire, grammaire et Bescherelle (conjugaison) papier. Un cahier pour le « brouillon », un autre pour la rédaction finale (souvent appelée le « propre »). Dans les écoles où les technologies sont plus intégrées, et souvent pour leurs travaux à la maison, les élèves sont habitués à utiliser des dictionnaires en ligne (sur le web), ou autres références électroniques. On parle aussi parfois de correcteurs orthographiques et grammaticaux utilisés pendant l’année, mais pas pendant les examens. Et ici je dis : tout dépend de ce qu’on veut véritablement évaluer. La capacité d’écrire, de créer un texte, ou celle d’appliquer, de mémoire ou en fouillant dans une grammaire papier, des règles grammaticales, ou encore de démontrer la capacité à retenir l’orthographe des mots, ou celle de chercher rapidement dans un dictionnaire papier.
Tôt ou tard, il faudra bien adapter le mode d’évaluation aux modes d’apprentissages. Si ces derniers évoluent, les autres devront suivre.
Et je n’ai pas encore parlé de la façon de transmettre les résultats. Bien sûr, les pourcentages ont l’avantage d’être connus, familiers, de signifier quelque chose, du moins en apparence, surtout pour les parents que nous sommes. Mais peut-on faire la différence entre quelqu’un qui est compétent en écriture à 80% et un autre à 79%? La réponse vient rapidement, il me semble, et elle est négative. La note devient une sorte d’indicateur, oui, mais imprécis. Et que dire des moyennes qui sont, elles aussi, un indicateur parmi tant d’autres, mais auquel on accorde parfois une importance démesurée. Comme je dis souvent à mes élèves, si tous étaient au-dessus de la moyenne, celle-ci serait forcément plus haute et on ne ferait que « déplacer » le problème : des gens se retrouvent forcément et par définition sous la moyenne.
Bref, on peut bien donner des chiffres, mais ils doivent rendre compte de quelque chose et signifier quelque chose. C’est bien beau l’évaluation normative, comparative, mais il y a aussi bien d’autres formes d’évaluations, souvent occultées. Donc, il faudrait pouvoir avoir quelque indicateur qui tienne aussi compte de l’amélioration de l’individu, qui rende encore mieux compte de ses apprentissages et non juste de sa performance aux évaluations normatives. Et il faudrait un bulletin qui cesse d’être une feuille distribuée 3 fois par année, mais plutôt un outil de communication plus régulier, qui inclut un peu mieux les critères d’évaluation, les modes d’apprentissages, etc.
Comme on peut voir, l’évaluation est une réalité complexe, qu’on ne peut simplifier à outrance comme les simplistes aimeraient bien que cette question le soit… Beaucoup de travail à faire encore, donc. Alors j’y retourne… à ce travail et à mes corrections !
Sur ce, bon été à tous 🙂